Page:Quatremère de Quincy - Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, 1815.djvu/71

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renferment les agens nécessaires aux sentimens qu’ils excitent ! Quelle pleine et entière harmonie ! quelle correspondance entre les causes et les effets ! comme tout conspire à se mettre en intelligence avec une impression déterminée ! Que de préludes, que de nuances, que de degrés conduisent notre âme à l’enchantement !

Moins il est au pouvoir de l’homme d’égaler la nature dans ses harmonies inimitables, plus l’Art a intérêt de réunir autour de ses ouvrages cet accompagnement moral des causes extérieures qui ajoutent au pouvoir de leurs charmes. L’artiste, sans doute, ne doit pas singer la nature, par la prétention à une illusion captieuse. Il ne s’agit point ici de lui disputer, par de faux semblans, la vie et la réalité, mais il y a aussi pour les ouvrages de l’Art une sorte de vie. Ils peuvent se considérer comme des êtres doués d’une espèce d’existence active, puisqu’ils font en petit ce que l’homme fait en grand, puisqu’ils imitent la plus noble des créatures dans la plus noble de ses facultés, celle de communiquer la pensée. Pourquoi les priver de tout ce qui rend leur action plus vive et leur langage plus clair ? Pourquoi leur refuser cet accord d’impressions accessoires qu’ils tirent de l’utilité même de leur destination ? Voilà la vie