Page:Quatremère de Quincy - Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, 1815.djvu/87

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tel, que partout ailleurs il arrêterait faiblement les yeux d’un connaisseur. Mais quel est donc, me suis-je dit souvent depuis, le pouvoir de cet accord entre les impressions locales ou accessoires d’un monument, et celles qui dépendent uniquement de l’Art ? Mille autres statues, supérieures peut-être à celle-ci, sont sorties de ma mémoire et n’y ont point laissé de trace, quoique jeles aie considérées souvent : je n’ai vu celle-ci qu’un instant, il y a plus de trente années ; et cependant l’objet dont je parle, et ce médiocre ouvrage de l’Art, sont encore présens à mon souvenir, et je ne sais quel charme y a toujours reporté, avec un secret plaisir, mon imagination.

Je me trompe, au reste ; il me semble que je peux dire en partie d’où vient ce charme, et d’où procède sa vertu. Ce charme, auquel nous sommes si peu habitués, résulte ici de toutes ces circonstances dont j’ai parlé, qui, comme autant de préparations oratoires, éloignent toutes les pensées étrangères au sujet, disposent par degrés notre âme à l’impression que l’Art doit lui communiquer, éveillent fortement la sensibilité. Ce charme est celui de cette harmonie intellectuelle et propre de tous les Arts ramenés à leur véritable fin, qui est de nous émouvoir.