Page:Quatremère de Quincy - Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. Chalgrin, architecte.djvu/4

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On dirait qu’en fait d’art un même souffle communique à toutes les nations de l’Europe les mêmes influences de goût. La France avait, comme tous les autres pays, participé à la corruption des principes de l’architecture. L’école des Boromini et des Guarini s’y était propagée, et quelques années plus tôt M. Chalgrin en aurait peut-être le docile et complaisant élève. Heureusement il avait vu le jour à une époque où le génie de la bizarrerie semblait s’être épuisé. Ses premières études devaient commencer sous une plus heureuse influence et le conduire dans une meilleure route.

Alors tendaient à leur fin les travaux de la grande église de Saint-Sulpice, monument commencé par le Veau sur un vaste plan, et dans l’exécution duquel plusieurs architectes s’étaient succédée. Les fondemens du portail étaient déja jetés, et ce grand frontispice allait être continué sur les dessins de l’architecte Oppenort. C’est dire assez que sa composition eût offert ce faux goût de lignes contournées, de plans ondulés, sous l’empire duquel s’étaient pervertis depuis long-temps les principes de tout art et de toute régularité. Mais Servandoni parut. Il présenta un autre projet de portail, et l’ascendant de son nom, peut-être même l’attrait de la nouveauté, le firent adopter.

C’était en effet une nouveauté alors qu’une façade d’église formée par des lignes droites, qu’une ordonnance régulière de colonnes isoles, qu’une architecture où les ordres reparaissaient avec leur caractère propre, avec la pureté de leurs profils et la justesse de leurs proportions. Ajoutons que Servandoni avait le goût du grand, et que, dans ce frontispice il sut réunir à des masses larges, imposantes et variées, une disposition qui, si elle eût pu recevoir un couronnement digne d’elle, serait peut-être la plus heureuse qu’on ait encore imaginée, pour s’adapter à la prodigieuse élévation de nos églises, et pour résoudre ce problème d’architecture moderne.

Quoi qu’il en soit, Servandoni avait, par ce grand ouvrage,