Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/120

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passai par la maison de Cabra et j’appris qu’il était mort. Je ne demandai pas de quoi, parce que je n’avais pas oublié que la faim existe dans le monde.

À la nuit je retournai à la maison et je trouvai un des convives éveillé, qui marchait à quatre pattes dans la chambre, cherchant la porte et disant qu’il ne reconnaissait plus la maison. Je le relevai et je laissai dormir les autres jusqu’à onze heures du soir, qu’ils se réveillèrent.

Un d’eux s’allongeant alors, demanda quelle heure il était. Le porcher, qui ne s’était pas encore désenivré, répondit que c’était le temps de la méridienne et qu’il faisait une chaleur étouffante. Le quêteur dit, comme il put, qu’on lui donnât le chaperon. « Les âmes, ajouta-t-il, ne doivent pas être fort contentes de moi, elles qui prennent soin de mon entretien. » Il alla ensuite à la fenêtre qu’il avait prise pour la porte et, comme il vit des étoiles, il commença à appeler les autres de toutes ses forces en criant que le ciel était étoilé en plein midi et qu’il y avait une grande éclipse. À cette annonce chacun fit un signe de croix et baisa la terre. Quant à moi, je me scandalisai fort du mauvais propos du quêteur et je me promis bien de me garder de pareilles gens. Toutes ces infamies et ces vilenies ne faisaient qu’augmenter le désir que j’avais de fréquenter des personnes de distinction.

Je les congédiai l’un après l’autre le mieux que je pus et je fis coucher mon oncle qui n’était plus tout à fait ivre, mais à demi. Pour moi, je me fis un lit