Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/124

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et mon habileté. En conséquence, je formai la résolution d’y quitter en arrivant l’habit long et d’endosser la soutanelle, pour me mettre à la mode. Mais revenons à ce que faisait mon oncle, offensé de ma lettre, qui était conçue en ces termes :


Seigneur Alonzo Ramplon, après les grâces signalées que Dieu m’a faites, d’ôter de dessous mes yeux mon bon père et de renfermer ma mère à Tolède, où je sais qu’elle s’évaporera en fumée, il ne me manque plus que de voir exercer sur votre personne ce que vous faites aux autres. Je veux être le seul de ma race, car deux, cela n’est pas possible, à moins que, tombant entre vos mains, vous ne me coupiez par morceaux comme mon père. Ne vous inquiétez pas de moi, parce qu’il m’importe de désavouer le sang qui coule dans mes veines. Servez le Roi et Dieu.


Je ne pense pas qu’il soit possible de rien ajouter aux blasphèmes et aux imprécations qu’il aura vomis contre moi.

Cependant je continuai ma route à cheval sur le grison de la Manche, et je souhaitais fort de ne rencontrer personne, lorsque je vis venir de loin un homme en apparence bien mis, avec son manteau sur les épaules, l’épée à la ceinture, sa culotte attachée, des bottes, la fraise ouverte et le chapeau de côté. Je soupçonnai que c’était quelque seigneur qui avait laissé son carrosse derrière, et dans cette pensée je le saluai en l’abordant. Il me regarda et me