Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vêtu jusqu’aux pieds de drap plus ras que sa vergogne. Ils parlèrent ensemble l’argot et le résultat de leur conversation fut que cet homme m’embrassa et m’offrit son amitié. Nous causâmes un instant, ensuite il tira un gant avec seize réaux et une lettre, à la faveur de laquelle il se les était procurés, nous disant que c’était une permission de demander pour une pauvre femme. Il vida le gant, en tira un second, et les joignit ensemble à la mode des médecins. Je lui demandai pourquoi il ne les mettait pas et il me répondit qu’ils étaient tous deux de la même main, et que c’était une ruse pour avoir des gants. Comme j’observai qu’il restait la tête couverte, je demandai encore, en homme nouveau et curieux de s’instruire, pour quelle raison il était toujours enveloppé du manteau, et il me dit : « Mon fils, j’ai aux épaules une chatière bouchée d’une pièce de droguet et accompagnée d’une tache d’huile, ce morceau de manteau la couvre, et je puis aller ainsi sans qu’on la voie. » Il ôta ensuite son manteau et j’aperçus sous sa soutane quelque chose qui bouffait beaucoup. Je crus d’abord que c’étaient des hauts-de-chausses, parce que cela en avait toute l’apparence, mais quand il se fut troussé pour aller s’épouiller, je vis que c’étaient de petites roues de carton attachées à sa ceinture, dans lesquelles ses cuisses étaient emboîtées, de sorte qu’elles figuraient sous la soutanelle, parce qu’il n’avait ni chemise ni culotte, et qu’à peine avait-il quelque harde à nettoyer, tant il était nu. Il entra dans l’endroit destiné à