Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et il le mettait avec les autres ; puis, feignant de ne pouvoir faire sa partie, il retournait le chercher, prenait en échange celui qui lui paraissait le meilleur et décampait. Il en agissait encore ainsi dans les jeux de quilles et de trou-madame.

Mais ce qui m’étonna le plus, ce fut de voir arriver Don Cosme entouré d’une foule d’enfants affligés d’écrouelles, de cancers, de lèpres, blessés et estropiés. Au moyen des signes de croix qu’il faisait sur ceux qui avaient recours à lui, et de quelques prières qu’une vieille femme lui avait apprises, il se donnait pour un homme qui guérissait par enchantement. Lui seul gagnait pour tous les autres, parce que si l’on venait pour se faire guérir sans apporter quelque paquet sous le manteau, ou sans qu’il entendît sonner de l’argent dans la poche, ou des chapons crier, on n’était pas admis. Il avait ruiné la moitié du royaume. Il faisait accroire tout ce qu’il voulait, quoiqu’il ne dit pas un mot de vérité, même contre son gré. Il parlait de l’Enfant Jésus, il entrait dans les maisons avec un Deo gratias, il disait : « Que le Saint-Esprit soit avec tout le monde. » Il avait tout l’attirail d’un hypocrite, un rosaire avec de gros grains, etc. Il laissait voir sans affectation, par dessous le manteau, un bout de discipline tachée de sang du nez. Il faisait croire, en se frottant les épaules et faisant le tour de gueux, que les poux étaient un cilice et que la faim canine était un jeûne volontaire. Il racontait des tentations, et en parlant du démon, il disait : « Que Dieu nous en préserve ! Que