Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/213

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quêteurs ce qu’ils escamotaient à leurs quêtes.

Avec les conseils d’un si bon maître et les leçons qu’il me donnait, je tâchai de faire comme lui et je ne réussis pas mal. Dans moins d’un mois je me trouvai avec plus de douze cents réaux effectifs. Enfin, il me fit connaître, à fin d’association, un moyen habile pour exploiter notre prochain. Nous nous entendîmes pour voler, entre nous deux, quatre à cinq enfants par jour. Les parents les faisaient réclamer au son du tambour. Venus alors aux renseignements, nous disions : « Je l’ai rencontré, Monsieur, à telle heure et à tel endroit, et il est certain que sans mon intervention il aurait été écrasé par une voiture. Soyez tranquille, il est à la maison. » On nous donnait alors la récompense promise et nous nous enrichîmes de telle manière que j’avais cinquante écus d’or. Comme mes jambes étaient guéries, quoique je les eusse encore emmaillottées, j’eus envie de sortir de Madrid, et de m’en aller à Tolède, où je ne connaissais personne et n’étais connu de qui que ce fût. Je me décidai bientôt tout à fait, et en conséquence j’achetai un habit noir, une fraise et une épée. Je dis adieu à Valcaçar, le même pauvre dont je viens de parler, et je cherchai dans les hôtelleries une occasion d’aller à Tolède.