Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/220

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introduit le premier de finir des couplets comme des sermons, par le mot de grâce et ensuite par celui de gloire, dans ce couplet d’un captif de Tétuan : Demandons de bonne foi, au grand roi sans tache, qui voit notre ferveur, qu’il lui plaise nous donner sa grâce. et dans l’autre vie la gloire. Amen. Au moyen de tout ceci, j’avais le vent en poupe, j’étais riche et heureux en un mot, tel que j’aspirais déjà presque à être auteur. Mon logement était très bien meublé, parce que, pour avoir une tapisserie à bas prix, j’avais fait usage d’un expédient du diable, qui fut d’acheter de ces couvertures de mulets dont s’ornent les tavernes, et de les faire tendre. Elles me coûtaient vingt à trente réaux, et elles flattaient plus la vue que les tapisseries du roi, car à force qu’elles étaient trouées on voyait au travers, au lieu que celles-ci n’offrent point un pareil avantage. Il m’arriva un jour la plus plaisante aventure du monde, et quoiqu’elle soit à ma honte, il faut que je la raconte.

Quand j’écrivais une comédie, je me retirais chez moi au grenier. Je restais là tout le jour et j’y dînais. Une servante m’apportait de la viande, me la laissait là et s’en allait. J’avais coutume d’écrire en parlant très haut et avec force, de même que si j’eusse représenté sur les planches. Le diable fit qu’à l’heure et au moment que la domestique montait avec les plats et le pot-au-feu, par l’escalier qui était étroit et obscur, j’en étais à un endroit où il s’agissait d’une chasse à la grosse bête, et comme, en composant ma comédie, j’élevais fort ma voix, je criais. : « Prends