Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/25

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la querelle, il se calma, voyant les justes raisons que j’avais eues de me fâcher.

Pendant tout ceci, le fils de Don Alonzo de Zuniga, qui s’appelait Don Diégo, venait toujours me voir, parce qu’il m’aimait réellement bien. Quand mes toupies étaient meilleures que les siennes, nous en faisions le troc. Je lui faisais part de mon déjeuner, et je ne lui demandais jamais rien de ce qu’il mangeait. Je lui achetais des estampes, je lui apprenais à lutter, je jouais avec lui au jeu du taureau, en un mot je l’amusais toujours. En conséquence, ses père et mère, voyant combien ma compagnie lui plaisait, priaient la plupart du temps les miens de me laisser dîner, souper, et souvent même coucher avec lui.

Un des premiers jours d’école après Noël, un homme appelé Ponce d’Aguirre, qui jouait le rôle de conseiller, étant venu à passer par la rue, le jeune Don Diégo me dit : « Appelle-le Ponce Pilate, et sauve-toi. » Je fis, pour lui complaire, ce qu’il désirait, et cet homme devint si furieux qu’il se mit à courir après moi avec un couteau à la main pour me tuer. Je fus obligé de fuir dans la maison du maître. Il y entra après moi, en poussant de grands cris ; mais le maître embrassa ma défense, le priant de ne me point faire de mal, et lui promettant de me châtier. En effet, quoique la Dame intercédât pour moi, en considération des services que je lui rendais, ce fut en vain. Le maître inflexible me fit mettre culotte bas et me fouetta d’importance. À chaque coup de