Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/28

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pour leur ornement. Ensuite elle s’approcha de moi, et voyant que je n’en avais aucune, parce qu’on me les avait ôtées pour les mettre sécher dans une maison avec mes habits et mon chapeau, elle me demanda où étaient les miennes. À quoi je répondis, tout couvert que j’étais d’ordures, que je n’en avais que d’offensives contre le nez.

J’avouerai de bonne foi, en passant, que quand on commença à me décocher des melongènes, des navets, etc., je m’imaginai, parce que j’avais des plumes au chapeau, qu’on me prenait pour ma mère et qu’on croyait encore les lui jeter, ainsi que cela s’était fait d’autres fois. Dans cette pensée, je m’écriai comme un sot et un enfant : « Mes amies, quoique je porte des plumes, je ne suis pas Aldonza Saturno de Rebollo ! » comme si on ne l’avait pas bien vu à ma taille et à mon visage. Ma simplicité, et la honte de cette aventure imprévue sont toute ma justification.

Mais revenons à la justice. L’huissier voulut m’arrêter, et ne le fit pas, faute de savoir par où me prendre, tant mes habits étaient sales. Chacun s’en alla de son côté, et moi je m’en vins de la Place à la maison, infectant tous les nez qui se rencontrèrent sur ma route. Je racontai mon histoire à mes père et mère, qui, me voyant dans l’état où j’étais, devinrent si furieux qu’ils voulurent me maltraiter. Pour tâcher de les calmer, je rejetai toute la faute sur la rosse qu’ils m’avaient donnée, et comme tout cela ne servait à rien, je sortis de leur maison. J’allai