aussitôt sur lui mon dévolu, je prends ma course, j’arrive, le saisis, et je m’enfuis. Le confiseur, ses domestiques et ses voisins me poursuivirent et, quoique j’eusse de l’avance sur eux, comme j’étais chargé, je compris qu’ils m’atteindraient. Pour mieux les tromper, quand j’eus tourné le coin de la rue, je m’assis sur le cabas, j’enveloppai vite ma jambe avec mon manteau, et la tenant dans la main, je me mis à crier : « Ah ! mon Dieu, qu’il m’a fait mal ! Mais que Dieu lui pardonne ! » Ils m’entendirent, et quand ils arrivèrent, je commençai à réciter une prière à la Vierge, celle que l’on dit ordinairement au déclin du jour. Ils criaient en s’égosillant, et ils me demandèrent : « Un homme n’a-t-il pas passé par ici, frère ? » — « Il est en avant, répondis-je. Il m’a écrasé le pied, mais Dieu soit loué ! » Avec cela ils se remirent à courir et passèrent outre. Resté seul, je portai le cabas à la maison. J’y racontai le tour, et quoique tout le monde le célébrât, personne ne voulut croire que la chose fût arrivée comme je le disais.
Pour les en convaincre, je les invitai à venir une autre nuit me voir courir des boîtes. Ils y consentirent en convenant que, comme les boîtes étaient en dedans la boutique, je ne pouvais pas en prendre avec la main. Ils jugèrent même la chose impossible, vu surtout que le confiseur se tenait sur ses gardes, à cause de la leçon que je lui avais donnée en lui enlevant le cabas. J’allai donc, et étant à douze pas de sa maison, je dégainai une épée, qui était un fort