Quant à moi, après être devenu un mangeur d’opium par habitude, après être tombé par inexpérienee dans de pitoyables excès d’opium, j’ai néanmoins lutté quatre fois avec succès contre la domination de cette substance. J’y ai renoncé quatre fois, j’y ai renoncé pendant de longues périodes, et si j’y suis revenu après des réflexions lucides et persévérantes, c’est que de deux maux, j’ai choisi le moindre de beaucoup. En cela je ne vois rien qui demande une justification. Je le répète une fois encore, ce qui me tourmente ce n’est pas l’emploi de l’opium, avec ses énergies qui tranquillisent et vont jusque dans les dernières profondeurs apaiser les maux causés par mes souffrances de Londres ; c’est l’extravagance de la folie enfantine qui me précipita au milieu de scènes qui devaient amener ces souffrances comme résultat naturel.
Ce sont ces tableaux que je vais retracer. Il se peut qu’ils aient par eux-mêmes un intérêt qui leur mérite un court souvenir. Mais en ce moment, et dans les circonstances actuelles, ils sont devenus indispensables pour rendre intelligible tout ce qui suit. Ces incidents de ma jeunesse forment le substratum fondamental, le secret motif[1] des rêve res-
- ↑ Le motif. — Le terme de motif est emploie ici dans le sens que les artistes et les amateurs d’art attachent au terme technique de Motivo, appliqué au tableaux, ou au ; développements successifs d’un thème musical.