Page:Quincey - Confessions d'un mangeur d'opium, trad. Descreux, 1903.djvu/86

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nisme serait méprisé dans son érudition et dans la personne de ses érudits, mais cette conséquence pouvait laisser aux mahométans la conviction que le christianisme avait une force propre, indépendante des erreurs et des sottises que ses défenseurs commettaient. Non, en outre, il se produirait dans ce cas une forte réaction contre le christianisme lui-même. On soutiendrait d’une façon assez plausible qu’une vaste philosophie religieuse ne devait guère avoir d’arguments puissants en réserve, si elle attaquait le mahométisme sur une fable aussi puérile. Adopter cette légende même sans la blâmer, parmi des nations qui n’étaient pas en rapports directs avec les musulmans, cela seul indiquait dans le christianisme une faiblesse choquante, et tous ses arguments éteint fondés non pas sur la force propre, mais sur les points défectueux de son adversaire.

La cause de Grotius paraissait tout à fait désespérée. G… jeune garçon, dont j’eus plus tard occasion d’admirer tout à la fois le courage, la loyauté et la prévoyance, changea tout à coup le terrain du combat. Il ne chercha pas à défendre la ridicule fable du pigeon ; au contraire il mit dans un même sac le pigeon et un autre oiseau qui, selon les musulmans, conduisit les premiers croisés, une oie qui sans doute a été un personnage historique, dans un certain sens. Il reconnut donc que sous ce rapport Grotius n’était pas défendable. Mais en somme, quand il s’agit du point essentiel, de l’intériorité apparente de Grotius en présence de Paley, etc., il bouleversa d’une phrase tout l’édifice de ce parallèle. — Paley, Lardner, dit-il, quel but se proposaient-ils ? Leur but avoué c’était de triompher par tous les arguments, toutes les évidences, toutes les présomptions, quelle qu’en fût la source, et de les faire concourir à prouver tous les éléments du christianisme sans exception. Bien, c’était là ce qu’ils voulaient, était-ce aussi ce que cherchait Grotius ? Pas du tout. Bien souvent le jeune G… avait remarqué à part lui, que Grotius laisse de côté sans motifs visibles, des arguments de première force ;