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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

Enniscothy, car à Ferns, qui n’était pas très loin, j’avais des amis particuliers, qui prenaient le plus vif intérêt à tout ce qui se passait, qui jouèrent un rôle très intime dans les scènes terribles de ce furieux ouragan, et qui enfin eurent leur part dans les souffrances et les pertes matérielles les plus considérables. On vit alors des dames en groupes serrés, se hâtant à pied sur la route de Wexford, leur asile le plus rapproché, bien qu’il fût à quatorze milles de distance, la plupart d’entre elles en pantoufles, la tête nue, sans personne pour leur offrir son bras ; car la fuite de leurs défenseurs ayant été déterminée par un mouvement tournant exécuté par les assaillants, au moment où eux-mêmes avaient épuisé leurs munitions dans le tir, ne leur avait pas laissé le temps de donner un avertissement, et il fut fort heureux pour les infortunés fugitifs, que le désordre qui régnait dans les rues incendiées, ainsi que les attraits du pillage eussent distrait la plupart des vainqueurs, de manière à rendre la poursuite irrégulière et peu acharnée.

Néanmoins Wexford n’était guère en état de promettre autre chose qu’un abri passager. Des ordres avaient été déjà donnés pour qu’on éteignît tous les feux des foyers, et qu’on ôtât les toits de toutes les maisons couvertes de chaume, tant on craignait d’avoir affaire à des trahisons intérieures. Du dehors l’alarme croissait d’heure en heure. Le mardi 29 mai, l’armée rebelle quitta Enniscorthy pour occuper une position dite les Trois Rochers, à un peu plus de deux milles de Wexford. Leur nombre s’était maintenant élevé au moins à 15,000 hommes. En aucune circonstance il ne fallut plus d’énergie à ceux qui disposaient