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DU MANGEUR D’OPIUM

mille pour les vacances de Noël, dans une ville du comté de Lincoln, où il était élevé, à environ une centaine de milles. Cette école se trouvait dans le voisinage de G — nh — g, la maison de mon père. À cette époque, il n’y avait pas de voiture publique sur cette route, maintenant il en passe un grand nombre chaque jour. Le jeune gentleman demanda par la voie des annonces qu’il se présentât quelqu’un pour partager avec lui les frais d’une chaise de poste. Le hasard, ou surtout, à ce que je crois, la bonne opinion que m’avaient value la douceur de mes manières, m’avaient procuré une invitation à aller passer quelques jours dans la même ville, où j’avais une parente d’âge mûr, sans compter quelques jeunes cousins. Les deux voyageurs en perspective entendirent bientôt parler l’un de l’autre, et l’on ne tarda pas à se mettre d’accord. Ce fut ma première sortie du domicile paternel, (ou plutôt maternel) comme je devrais l’appeler alors, et l’agitation trop tumultueuse du plaisir s’ajoutant à quelques légers sentiments de crainte, tout concourait à me bouleverser. J’éprouvais je ne sais quelle vague appréhension au sujet de mon compagnon de route, que je n’avais jamais vu et dont ma bonne, tout en m’habillant, m’avait fait un portrait qui n’était pas des plus attrayants. Mais je songeais beaucoup plus à la forêt de Sherwood, ayant appris que nous aurions à la traverser après la tombée de la nuit. À six heures, je descendis, non pas, comme d’ordinaire dans la chambre des enfants, mais en ce matin-là qui comptait dans ma vie, dans une pièce appelée la salle à manger, où se trouvait un grand feu, les bougies allumées, et tout l’appareil d’un repas, tout comme si c’eût été pour ma