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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

dans un carnet tout ce qui, à mon point de vue d’Anglais, aurait l’air d’un Bull, ou de quelque chose d’approchant. Et ce jour-là, à dîner, je rapportais, d’après la conversation de Lady Castlereagh, un trait qui me semblait appartenir à ce genre. Lord A. se mit à rire et dit : « Mon cher X. Y. Z., je serais fâché qu’il en fût ainsi ; votre bull est certainement un bull, mais il est non moins certain que Lady Castlereagh est votre compatriote, et pas du tout Irlandaise. » C’était vraiment un mauvais début, mais Lord A. avait-il tout à fait raison ? Lady Castlereagh était une des filles d’un lord du Buckinghamshire, et son nom de jeune fille était Lady E. Hobart.

Vers cette époque se passait à Dublin une autre scène publique bien moins attrayante aux yeux, mais d’autant plus intéressante au point de vue moral. C’était la ratification définitive du Bill qui réunissait l’Irlande à la Grande Bretagne. Je ne sais si jamais acte public, célébration, ou solennité, a occupé ou pu éveiller en mon temps plus profondément mes sympathies. Le beau sonnet de Wordsworth sur la chute de la République Vénitienne n’avait pas encore été publié, sans cela les deux derniers vers eussent exprimé ce que je sentais. Après avoir admis qu’il s’était produit à Venise des changements qui jusqu’à un certain point appelaient et provoquaient ce changement suprême et mortel, le poète termine ainsi :

Hommes nous sommes, et nous devons souffrir quand l’ombre elle-même de ce qui jadis fut grand, a disparu.

Mais ici, la situation antérieure était bien dif-

    pas compris : ce bull est complet, parfait, c’est un spécimen idéal du genre.