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Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/121

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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

attendait, et néanmoins il n’arriva personne dont la présence pût partager l’attention du public, car pour être certains de tout voir depuis le commencement jusqu’à la fin, nous étions présentés des premiers. Mais notre troupe ne passa point inaperçue grâce à une méprise de la foule : le silence avait succédé aux cris causée par la tendre étreinte entre le voleur et le major. Un homme, qui était placé en bonne vue, proclamait à ceux qui étaient au-dessous de lui le nom et le titre des membres, à mesure qu’ils entraient : « Celui-ci, dit-il, est le comte de A., je veux dire le gentleman qui boite. » Peut-être n’en savait-il pas davantage sur la politique d’un lord qui n’avait joué aucun rôle violent ou factieux dans les affaires publiques. Du moins il ne se produisit rien des insultes qu’on redoutait, ou elles se réduisirent à des manifestations insignifiantes. Nous entrâmes, et pour ne rien perdre, nous allâmes même au vestiaire. L’homme qui présenta la robe à Lord — me parut, de tous ceux que je vis ce jour-là, le seul qui eût l’air d’éprouver quelque chagrin ; sa voix et ses manières témoignaient de son abattement. Mais cela s’expliquait-il par la perte d’un emploi lucratif, ou était-ce un chagrin vraiment désintéressé ? Et dans ce dernier cas était-il dû à quelque deuil privé, ou à une peine patriotique, sachant qu’il était de service pour la dernière fois ? C’est ce que je ne saurais dire. La Chambre des Lords, ornée, si je m’en souviens, de tapisseries représentant la bataille de la Boyne, était presque vide quand nous entrâmes, Lord A. profita de cette circonstance pour nous expliquer en détail ce qui se passait quand on traitait des affaires publiques en temps ordinaire, et pour nous rappeler les principales