ment royal au bill d’Union, je ne m’en souviens pas distinctement. Mais ce que je me rappelle très bien, c’est qu’alors aucun signe, pas même un vague murmure, ne trahit les sentiments qui, sans aucun doute, se cachaient et s’aigrissaient dans bien des cœurs. Mettant de côté toutes considérations publiques ou patriotiques, je me dis alors même en promenant mon regard sur toute la troupe des pairs vêtus d’hermine : « Comment se peut-il, par quelle explicable magie est-il arrivé que William Pitt ait obtenu de ces législateurs héréditaires, de ces chefs de maisons patriciennes, qu’ils renoncent aussi aisément, sans rien faire qui ait même la simple apparence d’une lutte, sans rien obtenir en compensation, au joyau le plus brillant de leur couronne ? » Ce matin-là, tous s’étaient levés de leur lit pairs du Parlement : chacun d’eux était à ce moment-là une des colonnes du royaume ; leur concours était indispensable à toute loi qui se faisait. Demain ils ne seront rien ; plus rien que des mannequins, des filii terrœ. Quelle folie les avait décidés à renoncer à leur droit héréditaire, à se casser de leur dignité de manière à n’avoir plus que le titre de Lords. Quant aux membres des communes qui se présentaient à la barre, le cas était bien différent pour eux ; ils n’avaient pas de domaines privilégiés parmi leurs prérogatives, et ils avaient autant de chance de faire partie des cent membres irlandais d’un Parlement Impérial que de se faire réélire au Parlement National. La situation n’était pas non plus la même pour tous les Pairs. Plusieurs d’entre les plus considérables avaient des titres anglais, qui à tout prendre, ouvriraient à leur ambition le Parlement central. Ce privilège, à ce que je crois, appartenait à Lord A.
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