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DU MANGEUR D’OPIUM

général Humbert menaça d’envoyer sa Seigneurie, ainsi que toute sa famille en France, comme prisonniers de guerre, en se donnant l’air d’un homme violemment poussé à bout. Il en résulta une crise qui donna la mesure de l’influence dont jouissait l’Évêque auprès de ceux de son troupeau qui l’entouraient, et de l’affection qu’il leur inspirait. Un grand personnage d’Évêque eût été fort joyeusement abandonné à son sort, en une pareille épreuve, et je le sais très bien, car Lord W. et moi, pour avoir seulement rendu visite à pareil personnage nous fûmes assaillis à coups de pierres avec tant de fureur, que nous fûmes obligés de renoncer à sortir, à moins que ce ne fût en plein jour. Heureusement l’Évêque de Killala s’était montré un pasteur chrétien, et en cette circonstance, il recueillit le fruit de sa bonté. L’égoïsme public céda, quand on connut le danger que courait l’Évêque. Bateaux, chars, chevaux sortirent innombrables de leurs cachettes. L’artillerie et les approvisionnements furent débarqués, et les conducteurs des chars, etc., payés en traites sur le Directoire Irlandais ; c’était peut-être une monnaie bien légère, mais elle servait du moins à prouver que l’ennemi voulait éviter de recourir à des mesures de violence ; et en fin de compte elle acquit toute la valeur que lui assignait le général français, sinon comme tirée sur le gouvernement rebelle, au moins comme garantie par l’équité du gouvernement britannique.

L’officier qui restait à Killala pour commander quand la présence du général en chef était réclamée ailleurs, se nommait Charost. Il était lieutenant-colonel, âgé de quarante-cinq ans et fils d’un horloger de Paris. Ayant été envoyé fort jeune dans la malheureuse île de Saint-Domingue pour