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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

raient suffi pour arracher l’hommage d’une couronne, d’une distinction publique, ou établir son influence, ou laisser derrière soi un modèle efficace, dans l’Allemagne, telle qu’elle est constituée aujourd’hui. Quant aux autres routes vers la fortune, elles sont plus méprisées encore. Un noble du Continent, Alfieri, c’est-à-dire un gentilhomme de naissance, parle des banquiers comme nous parlerions en Angleterre d’un usurier juif, ou d’un changeur fripon. Les commerces libéraux, tels que ceux qui sont au service de la littérature et des beaux-arts, et qui chez nous font considérer comme un gentleman celui qui les exerce, sont, au regard d’un gentilhomme continental de ceux qui permettent à leur possesseur de prendre un certain rang, une certaine place dans le cortège, dans la suite d’un gentilhomme, mais si distinguée que soit la personne qui les exerce, elles ne lui donnent pas le droit de s’asseoir en sa présence, à moins qu’il ne le tolère. Sur ce sujet, le lecteur ne doit point prendre ses notions dans des livres allemands, car les auteurs allemands, en immense majorité, ne sont point nobles ; et ceux d’entre eux qui le sont, appartiennent neuf fois sur dix aux opinions libérales et parlent le langage du libéralisme, non point qu’ils soient d’accord avec l’ordre auquel ils appartiennent ou parce que ce langage répondrait à leurs instincts, mais par suite de vues démocratiques ou révolutionnaires.

Tel étant le rang, telle étant la considération que possèdent les professions dirigeantes, on peut en déduire la condition naturelle des universités où elles se recrutent.

Les nobles entrant généralement dans l’armée, ou passant leur vie dans l’indolence, l’immense