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DU MANGEUR D’OPIUM

phie de Mason vient de rendre si populaires en Angleterre[1], que celles-ci, à leur tout, sont inférieures en vivacité, en naïveté à celles de Cooper, l’unique Cooper, et même inférieures à celles qu’écrit chaque soir de l’année mainte femme parfaitement inconnue, lettres dont le destinataires ne fait peut-être pas grand cas, et qui sont bien sûrement condamnées à l’oubli.

Je n’ajouterai qu’un mot pour décrire la bibliothèque de mon père, parce qu’en le faisant, j’aurai décrit celles de tous les gens de sa classe. Elle était très considérable ; elle comprenait toute la littérature de l’Angleterre et de l’Écosse pendant la génération antérieure. Il était impossible de citer un livre qui y manquât, qu’il traitât d’histoire, de biographie, de voyages et excursions, de belles-lettres ou de théologie populaire. À cela ajoutons un ensemble fort complet des guides locaux, tels que ceux de Pennant et d’ouvrages de topographie, la plupart illustrés de gravures et par là même se fixant pour toujours dans la mémoire des enfants. Mais ce qui était remarquable, c’est que tous ces livres étaient en anglais. Ni mon père ni ma mère n’affectaient d’orner leur table de livres étrangers, qui ne valent pas mieux que les livres qui leur correspondent dans la langue maternelle, ou d’épeler péniblement leur contenu obscur ou douteux, comme c’est toujours le cas pour ceux qui n’ont point cette connaissance orale et familière qui permet d’apprécier la force et la nature d’une langue.

Que de fois ne voyons-nous pas entassés sur la table d’un homme de lettres moderne, mal portant,

  1. Il s’agit ici des Life ans letters of Gray, publiés par Mason en 1774. (Note du traducteur.)