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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

ou encore celui qui exclut absolument de certaines d’entre elles, d’une façon complète l’usage de ce qu’on reconnaît formellement être une propriété publique. Des livres et des manuscrits qui ont été réunis tout d’abord, et formellement légués au public, dans le but généreux et noble d’assurer aux générations futures des avantages dont leur collectionneur n’a pas joui, et de faire disparaître devant ceux qui cultivent la science, des obstacles qu’une cruelle expérience lui a fait connaître, ces livres on les enferme, on me les refuse, à moi, à vous, comme s’ils étaient la propriété d’un particulier. Oui, on va même beaucoup plus loin, car tous les particuliers collectionneurs de grand mérite, comme le défunt M. Héber, se sont distingués par leur empressement à prêter les plus rares de leurs livres à ceux qu’ils savaient capables d’en faire un usage utile. Mais dans les cas dont je parle, il y a des fonds destinés à subvenir aux frais que comportent les emplois nécessaires à une bibliothèque, ceux de bibliothécaires de sous bibliothécaires, et ces fonds, sans que la chose doive être formellement exprimée dans le testament, présupposent qu’il y aura un public pour se servir chaque jour des livres ; — sans quoi ils seraient superflus et n’auraient eu d’autre résultat que de créer d’oisives sinécures, au profit de personnes qui n’auront pas autre chose à faire que de tenir le public à l’écart. Donc, cela est certain, ces postes ne sont pas des sinécures : ces gens-là se chargent d’une besogne qu’ils accomplissent avec vigilance, et qui consiste à écarter le public. Et pourquoi ? Un homme qui, comme moi, aime les livres, pourrait leur attribuer un motif peu élevé, celui de garder les livres pour