Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/223

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Comme un grand fossoyeur au vallon qu’il déchire,
Le Saint-Bernard creusait la tombe d’un empire ;
Et là-bas le chasseur disait à demi-voix :
" Sont-ce les pas d’un peuple, ou les pas d’un chamois ? "



XX. LE TE DEUM

 
Ainsi tout se taisait. Mais de la vieille église
La porte pour un jour se rouvrit sous la brise ;
Et la cloche des morts appela les vivants.
Sous le porche oublié les peuples s’entassèrent ;
En chantant au tombeau les morts se réveillèrent,
Le sanglant Te Deum s’éleva sur les vents.

" Grand Dieu ! Nous te louons dans notre cendre obscure,
Dans la main qui nous fit l’éternelle blessure,
         Dans notre tombe et notre nuit.
Grand Dieu ! Nous t’adorons quand les vivants t’oublient ;
Leurs yeux dans la mêlée, où leurs cœurs te renient,
         Ne voient plus ton glaive qui luit.

Les vivants ont quitté tes fêtes éternelles ;
Mais les morts, ô grand Dieu ! Te sont restés fidèles.
         Pour eux sont les siéges d’airain,
Pour eux les pavillons, les tentes embaumées
Que parmi les combats le seigneur des armées
         A toujours dressés de sa main.

C’est toi sous ton courroux qui brisais les cuirasses ;
C’est toi, vaillant Jacob, qui guidais sur tes traces