Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/258

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Province de Murcie, as-tu, pendant les nuits,
De fiel et de ciguë empoisonné ton puits ?
Es-tu prête, Tortose ? Et toi, sur tes rivages,
Trafalgar, as-tu ceint ta ceinture d’orages ?
Cordoue, as-tu caché, le soir, en souriant,
Sous ton manteau d’émir ton poignard d’Orient ?
Jeune et vieille Castille ! Algarve ! Estramadure !
La louve d’Aragon demande sa pâture.
Baylen, au toit de chaume, en ton roc de granit
Pour y couver sa honte, à l’aigle fais son nid !
Ségovie, en ton champ hâte-toi de descendre !
Ronge tes ossements ; couvre-toi de ta cendre !
Grenade, bois ton sang aux cris des guérillas,
Comme fait la tigresse au penchant de l’Atlas.
Souviens-toi, Roncevaux, du nom de Charlemagne !
Navarre, souviens-toi que l’on t’appelle Espagne.
Déserts ! Landes ! Sierras ! Gorges et défilés !
Grottes ! Lacs ! Mers ! Forêts ! Toits et murs écroulés !
Vipères du chemin à la langue acérée !
Loups cerviers de Biscaye, à la gueule altérée !
Hidalgos ! Guérillas ! Saints d’Espagne et du nord !
Saint Iago ! Terre et cieux ! Criez tous : mort ! Mort ! Mort !
Ah ! Quand il entendit dans sa tombe royale
Le vieux nom d’Aragon qui soulevait la dalle,
Le roi Sébastien s’est levé du cercueil.
Il a pris son épée et son manteau de deuil.
Pâle, il a sur son front renoué ses années,
Et, pâle, il est monté sur ses tours ruinées.