Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/284

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On dit qu’à la frontière, arborant leurs linceuls,
Trois nuits, le glaive au poing, ils la gardèrent seuls ;
Qu’au loin, vallons déserts, forêts, livides chaumes,
Tout fut en un moment peuplé de leurs fantômes.
Cependant leur épée, aiguisée au tombeau
Éclairait l’empereur, comme un pieux flambeau.
Et le monde, voyant un si ferme courage,
Et tant de morts debout qui suivaient ce naufrage,
Commença de trembler, et dit : que ferons-nous ?
Ce géant nous vaincra. Tombons à ses genoux !
Puis, oubliant leur guide et comment il se nomme,
Cent peuples éperdus fuyaient devant un homme.



XXXIX. L’AIGUILLON

 
Ah ! France ! As-tu du cœur ? As-tu des yeux pour voir ?
As-tu des dents pour mordre ? As-tu, sans le savoir,
Du sang, encor du sang, en ta veine épuisée ?
As-tu dans ton carquois une flèche aiguisée ?
Ou, serpent sans venin, qui rampe en son sillon,
N’as-tu plus que la langue au lieu de l’aiguillon ?
Dis, France, m’entends-tu ? France, si tu sommeilles,
Faut-il parler plus haut, pour toucher tes oreilles ?
Quel mot faut-il donc dire, ou ne te dire pas,
Beau pays du clairon ? ô vierge des combats,
Habille-toi de fer, qui jamais ne se rouille !
Relève ton armure, et non pas ta quenouille.