Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/297

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Et votre pavillon ? -Tricolore ! -Adieu ! Va ! "
Et l’abîme murmure et s’entr’ouvre déjà.
L’hirondelle a trouvé son nid avant l’orage ;
Le corsaire son port, et l’ancre son rivage.
Que leur fait l’ouragan ? Que fait au mât l’écueil,
À l’homme, le malheur, quand ils touchent le seuil,
Et qu’ils ont su plier, l’un sa voile obstinée,
Et misaine, et beaupré, l’autre sa destinée ?
Un homme ! Rien qu’un homme ! Au front chauve et pensif,
Ainsi qu’un naufragé, qui sort de son esquif,
Est debout sur la plage. Ah ! Pour être si pâle,
Sur quel cap orageux, et quelle mer fatale,
Sur quel aride bord, sans pilote et sans nom,
A-t-il perdu son lest et brisé son timon ?
A-t-il dans l’équinoxe, et quand la nuit est noire,
D’Aram ou de Calpé doublé le promontoire ?
Ou quand le Capricorne insulte le Verseau,
Sur la mer paresseuse usé son lourd vaisseau ;
Ou bien, vers Aboukir, oublié son étoile,
Ou, près de Trafalgar, perdu sa grande voile ?
Il ne lui reste rien, hors son nom (quel est-il ?),
Puis son écho sur l’Elbe, et le Tage et le Nil ;
Puis son petit chapeau, -puis sa capote grise, -
Et puis sa courte épée ; -et déjà sous la brise
L’abîme se soulève ; et, rompant leur bandeau,
Maints rois ont dit : c’est lui ! Faites-moi mon tombeau.
Et les tours ont redit, du haut de leurs murailles :
Oui, c’est lui ! Le voici, faites vos funérailles !