Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/164

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se choir l’un après l’autre ses ongles et son bec au pied de son aire, et le moucheron qui se dépouille de ses deux ailes dans ma vallée.



Ahasvérus.

N’as-tu tout le jour rien autre chose à faire ?



La Vallée de Josaphat.

J’attends encore jusqu’au soir que les morts ressuscitent. Au bruit d’un chamois qui passe, ou d’une larme d’une grotte, je m’inquiète pour savoir si ce n’est pas un peuple qui aiguise un fer de lance ou une flèche de jonc dans son sépulcre. Jusque sous la fontaine des arabes, ombragée de deux cyprès, je vais chercher un peu d’eau pour faire germer plus vite mon boisseau de peuples et de rois semés dans mon sillon. Mes anémones, quand elles éclôront, seront des jeunes filles de princes, assises avec des voiles d’or ; mes grands lis seront des mages qui noueront, en se réveillant, leurs blancs turbans sur leurs têtes ; mes fleurs d’aloès seront des candélabres qu’allumeront les prêtres sur mon penchant ; mes bruyères seront des peuples innombrables qui soupireront sous le vent et sous la pluie.



Ahasvérus.

Ainsi les morts ne sont point encore venus ?



La Vallée de Josaphat.

Non ! Pas encore.



Ahasvérus.

Viendront-ils demain ?



La Vallée de Josaphat.

Quand l’épervier de cent coudées piaulera, quand le ver de terre se lassera.



Ahasvérus.

Si tard qu’ils viennent, laisse-moi les attendre sur ta borne. Je t’aiderai à puiser de l’eau dans ta source pour