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Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/177

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Jusqu’au matin, n’espérant plus que tu retrouves toute seule l’endroit de ton rivage ! Bel oiseau aux ongles d’or, que souvent j’ai regardé par ma fenêtre si ton aile était brisée quand le vent t’emportait une plume du poitrail ! Tout petit enfant, j’ai suivi, pieds nus, à la pluie, plus loin que la frontière, du côté de Cologne, tes grands bataillons, et tes soldats m’ont pris dans leurs bras pour me faire toucher, sans peur, la crinière de ton cheval de guerre. Ah ! Pourquoi m’ont-ils donné, quand j’avais faim, à manger de leur pain, mieux que mon père, mieux que ma mère, si c’était pour entendre plus tard de l’autre côté de la barrière : holà ! Ces bourgeois de la ville, est-ce vraiment le peuple qui, hier, vendangeait dans sa cuve son sang à Rivoli, et qui fit vingt pas sans trembler sur le pont d’Arcole ?


Pour toi j’ai eu des vœux, pour toi j’aurai une plainte. La terre s’ennuie, elle ne sait plus que faire depuis que ton empereur ne la tient plus cachée, pour s’amuser, sous un pan de sa gloire. Depuis que ton nom ne couvre plus la Babel du monde, chaque homme qui passe, chaque ouvrier qui s’en va en sifflant, a sur les lèvres un nom différent, si l’un dit, empire, l’autre répond, fumée ; si fleur, épine ; si coupe, lie ; si miel, venin ; où l’un veut un baume, l’autre jette son poison, et si je crie, monde, univers, quelqu’un reprend : boue ou cendre, maître, à votre choix.



Première partie du Chœur.

Le passé a des balcons et des ogives qui croulent. Maître, rebâtissez sa ruine.



Deuxième partie du Chœur.

Le présent est de boue. Pétrissez-en à loisir votre faîte et votre seuil.



Première partie du Chœur.