Puisque la pluie a déjà arrosé mes fleurs, je m’amuserai mieux à jouer de ma mandore.
La Mandore.
Rachel, sauve-toi. Depuis que l’étranger est
arrivé, j’ai oublié les chants que je savais.
Laisse-moi, mon souffle me fait peur.
Rachel.
Qu’y a-t-il donc ? Je ne sais plus si cette voix
sort de ma bouche, ou si je l’ai vraiment entendue.
Le Sansonnet.
Va ! Laisse-nous ; que ferais-tu à présent d’un
sansonnet ? L’aile d’un sansonnet ne battrait
pas si vite que ton pauvre cœur sous ta robe.
Que ferais-tu d’un bouquet de giroflées ? La
giroflée ne se pencherait pas vers sa racine
si bien que ta tête sur ton coude. Que ferais-tu
d’une mandore ? La mandore ne gémirait pas si
bien que ton haleine dans ton sein. Depuis que
ton voisin est venu, j’ai peur dans ta maison.
Ouvre-moi la fenêtre, que je parte, pour aller
plus loin que la mer bâtir mon nid au printemps
dans le tombeau du Christ.
Le Bouquet de Giroflées.
Et moi, j’étouffe ici. Que l’oiseau emporte sur
ses ailes mon parfum du printemps, pour le jeter
en passant sur le chemin de Bethléem.
La Mandore.
Et moi, qu’il prenne avec lui mes soupirs du soir,
pour les jeter loin d’ici dans le feuillage
des figuiers et dans les vieux murs de
terre-sainte.
Rachel.
Folle que je suis ! C’est de ma propre voix que
j’ai peur. Il me semble que tout ce que je
touche murmure comme moi. Ah ! Il y a trop
longtemps que je n’ai pris l’air ; à