fontaine me rend triste. Mille idées me tourmentent que je ne puis dire à personne, et, quand même je le voudrais, je ne sais point de mots pour cela. Mon front brûle. J’aurais envie de pleurer sans savoir pourquoi. Au lieu de rester ici, je ferai mieux d’aller prendre l’air dans le jardin de Berthe.
(elle sort.)
Le Chœur.
Oui, sors d’ici ; partout avec toi, ton âme
harmonieuse murmurera à voix basse : te
souviens-tu du firmament ? On y respirait
sans douleur même fleur éternelle. Te
souviens-tu du bord du ciel ? On y entendait,
sans tristesse, même bruit d’une eau qui
tombe. Songes d’été, assoupis dès l’aube sur
les nues diaphanes, désirs ailés, soupirs qui
valent l’univers, regards qui voient dans
l’ombre, pensées qui en une heure font mille
lieues, tout reviendrait si quelqu’un ici
seulement, sans te tromper, t’aimait d’amour entier.
Jardin de Berthe. Rachel et Ahasvérus s’y promènent ensemble.
Le Chœur.
D’amour entier ? Est-ce là ce que j’ai dit ? Voici
l’endroit où l’on en trouve, quand le rossignol
s’écrie au bois dès la matinée, quand les jours
sont longs en mai, quand la feuille s’épaissit
dans les vergers, quand l’herbe est verte et la
bruyère fleurie. Rachel, parle donc sans
trembler. C’est l’heure du soir, où
l’arc-en-ciel tout luisant sur les Vosges
porte joie et paix aux hommes de bonne volonté.
C’est l’heure encore plus douce où la fleur