Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/224

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voyage est fini. L’heure qui vient de passer est une éternité. Sous ces frais lilas, voilà ton ciel.



Là quelque chose t’a dit : je t’aime. Non pas la tempête sur ta tête, non pas l’hysope dans la broussaille, non pas la poussière de ton chemin à midi, mais deux lèvres de femme avec une voix humaine, avec des mots des hommes que ta langue peut murmurer si tu veux.

Ah ! c’est là, c’est là ce qu’ils appelaient amour, quand toutes choses vous regardent en soupirant, quand votre haleine rafraîchit vos lèvres, quand l’aubépine vous donne un parfum pour votre route, quand l’étoile ouvre sur vous sa paupière souriante, et aussi quand la source vous renvoie votre ombre plus légère, et comme un limier qui rentre le soir du bois, quand la brise haletante lèche votre porte sans injures.



Dans ce vallon ombragé de noyers, mes pieds s’arrêteront à jamais. à jamais je ferai le tour de sa ville sans la perdre des yeux ; sans m’éloigner de plus d’un pas, éternellement j’errerai nuit et jour sur la cime de la montagne qui l’abrite. Que me fait à présent, sur ma tête, cette fourmilière de soleils qui m’ont maudit ! Un enfant m’a dit malgré eux : je t’aime. Tous ensemble quand vaudront-ils une tresse de ses cheveux ? Et les siècles de siècles qui sont à vivre, que sont ils à côté d’un seul souffle de son cœur ?

Oui, tout est attaché pour moi à la possession de cet être délicieux ; le reste du monde est vide. Je le sais, je le connais ; les mers, les lacs, les forêts, je les ai visités ;