Mob.
L’orient est fort beau, l’occident ne l’est pas
moins : le soleil réchauffe le cœur, mais la
lune le refroidit. En vérité, je ne sais plus
lequel vous conseiller.
Ahasvérus.
J’avais cru, d’abord, trouver quelques
consolations en m’adonnant à la poésie.
Mob.
Bravo ! C’est l’art que j’aurais voulu cultiver,
si on m’eût laissée libre. Darder, en plein
soleil, des paroles huppées ; habiller de phrases
une ombre, un squelette, moins que cela, un rien ;
le coiffer de rimes, le chausser d’adverbes,
le panacher d’adjectifs, le farder de virgules ;
quelle faculté dans l’homme, monsieur ! Et
songer que tout lui obéit, premièrement, ce qui
n’est pas ! Se plonger dans l’océan transparent
des choses pour y pêcher le ciel, et rapporter au
rivage une douzaine de mots polis, luisants,
ruisselants. Ah ! Voilà de ces vies d’émotion
dont je serai éternellement jalouse.
Ahasvérus.
Je ne sais, mais j’aurais besoin de quelque chose
de plus réel. Un vague désolant m’entoure ; je
suis devenu l’écho de toutes les mélancolies
des lieux où je passe. L’herbe fauve, le vent
d’hiver, la feuille tombée, tout retentit, tout
crie avec désespoir dans mon cœur.
Mob.
Si ce que vous dites là est exact, l’inconvénient
est vraiment grave d’entendre de si près ce
pêle-mêle dans la boîte osseuse de son cerveau.
Au lieu de rêves, que ne vous occupez-vous du
positif des choses ? La science est faite pour
des hommes comme vous : à votre âge, vous
pouvez encore pénétrer dans les secrets de la
nature. Par exemple, faites-vous alchimiste.
Allons ! à l’œuvre ! Soufflez