C’est ce que tu m’as toujours dit.
Berthe.
Si tu voulais, nos noces se feraient le même jour ;
c’est hier qu’Albert a été nommé professeur de
gymnastique. Depuis cinq ans, nous attendions
ce moment sans espérer qu’il arrivât jamais.
Rachel.
Ainsi, toi, tu n’as plus rien à désirer ?
Berthe.
Non, plus rien au monde. Si tu savais comme tout
me plaît dans notre maison, à cause de lui !
Comme dans toute chose c’est lui que je
retrouve ! Sur le toit, une cigogne a fait
son nid autour de la cheminée, et cela porte
bonheur. Je suis attachée au petit jardin et
aux roses qu’il y a plantées, autant qu’à des
êtres vivants. Ses vieux meubles semblent tous
avoir quelque chose de lui à me raconter ;
quand je serai seule, je parlerai de lui avec
eux, sans rien dire. Tu sais la belle gravure
de la cathédrale de Strasbourg qu’il m’a
donnée ; je l’ai clouée au mur, en face de ma
table à ouvrage ; toutes les fois que je lève
les yeux, c’est elle que je rencontre. Mon
crucifix est de l’autre côté, et ma chambre,
à présent, ressemble à une petite chapelle,
où ma vie se passera à penser à Dieu et à
lui. Au bas de ma fenêtre, il y a un berceau
de chèvrefeuille qui ferme la cour. Jamais mon
cœur n’ira plus loin ; sans me lever, je verrai,
à travers les vitres, tout mon univers.
Rachel.
Tu méritais bien ce bonheur.
Berthe.
Oh ! C’est qu’il est si facile d’être heureuse.
Rachel, si tu savais ! Un jour d’été sortir
ensemble de la ville, se regarder