est remplie. Allez ailleurs ; plus loin, plus loin, jusqu’au néant.
Ahasvérus.
Redites ce que vous avez dit, et, quand vous
l’aurez dit, répétez-le encore. Vos bouches ne
se sont-elles pas ouvertes une fois pour dire :
il n’y a point de Christ ? Vos langues ne se
sont-elles pas déliées une fois pour dire : il
n’y a point de Jésus de Nazareth ? Oh ! Si je
mens, messeigneurs, si mes oreilles mentent, si
mes yeux mentent, faites-moi un signe seulement.
Est-ce que j’ai blasphémé ? Pardonnez-moi : je
suis un pauvre voyageur qui ne pense pas à
injurier ses hôtes.
Chœur des Morts.
Croyez-nous, si vous voulez ; mais le Christ
n’est pas ressuscité ; il n’est pas non plus
avec nous : encore une fois, passant,
laissez-nous ; il n’y a point de Christ.
Ahasvérus.
Et plus d’enfer pour moi, n’est-ce pas,
messeigneurs ? Plus de sentier de deuil que mes
pieds, comme le tisserand, noueront et dénoueront
sans fin autour de son royaume. Rachel, les
as-tu entendus ? Secoue de ton haleine les
siècles amassés sur mes cheveux, comme la rosée
d’une branche nouvelle d’amandier. Mon jour de
fête est arrivé. Partons, attachons à nos pieds
nos éperons de fer. Sellons nos chevaux noirs.
Maintenant, je serai le bon messager de ville
en ville. En me penchant sur mon arçon, je dirai
à l’herbe d’Arabie : herbe flétrie, pourquoi
t’es-tu séchée sur ton pied ? Reprends autour
de toi ta feuille de printemps et tes couleurs
de joie ; au ruisseau de Palestine : pourquoi
t’es-tu tari ? Reprends ta source dans ton lit,
et ta robe d’écume sur ta rive ; aux montagnes
de Judée et à la cime du Golgotha : pourquoi
vous êtes-vous déchirées jusqu’au roc ? Pourquoi
vous êtes-vous ensemencées,