une pensée apportée une fois par le vent, sans
douleur murmure, toute leur vie, à leur
oreille ; comme une source dans la forêt
Noire, leurs pas ondoient languissants. Mais
leur sang trop pâle a peine à teindre leurs
joues d’un souvenir. Pour qui revient du pays
où l’olive et l’orange mûrissent, leur cœur
bat trop lentement ; sous le ciel des passions,
en un jour il fond comme neige ; leur silence
est doux, et plus douce leur parole ; mais le
sens en est dur. Pour guérir les plaies qu’elles
ont faites, leurs lèvres sont trop froides.
Dans leurs seins leurs larmes restent figées ;
et le cœur qu’elles ont brisé une fois ne
guérira plus jamais.
Non ! Je n’aime plus en Allemagne, ni partout
où la brume s’épaissit au nord de ce côté des
Alpes, les sentiers sous les sapins qui tous
mènent à un regret, ni les grands tilleuls trop
pleins d’ombres et de souvenirs, ni la ruine
gothique que l’on voit à Linange, trop
semblable à un désir sur son penchant, ni les
longs flots du Rhin, vers Bade, qui me font
trop rêver et soupirer comme eux, ni ses îles
de vapeurs, ni ses cathédrales sourcilleuses,
ni son ambre, ni sa vallée trop profonde, ni sa
vague trop dolente, qui me dit, quand je passe :
souviens-toi de moi.
J’aime à présent l’endroit, vers Salerne, en
Calabre, ou encore plus loin, vers le vieux
Navarin et Tinos, où le soleil qui vient
d’Asie, dès qu’il se lève, scintille dans
ma nuit et rend plus courte de moitié mon
insomnie. Soir et matin, j’aime à boire, à
chaque haleine, pour mon remède, ses rayons
qui sentent la myrrhe. Il fait froid et sombre
à cette heure dans mon cœur. J’aime à sécher
la plaie qu’un autre m’a faite aussi trop amère,
à la lumière d’août, quand le pêcheur de Capri
étend, à