La mousse de l’écueil, que l’herbe arrachée de ta vase, et que mon âme naufragée dans l’océan de ma douleur.
L’Océan.
S’il n’y a plus pour moi de banderoles de fêtes,
si les villes n’ont plus à me jeter ni ombre,
ni encens, ni chants d’amour ; si les barques
que j’aimais ont toutes plié leurs ailes sous
le vent de la mort, qu’ai-je à faire désormais
d’appeler de ma voix de tempête les bords qui
ne me répondent plus ? Qu’ai-je à faire de bondir
avec ma croupe ruisselante, si je n’ai plus à
porter ni vaisseau à la housse brodée, ni
frégate à la voile de soie ? Je voudrais, s’il
n’y a plus pour moi ni époux ni fiancé, être
une source obscure, cachée dans la forêt
d’Ardennes, connue dans l’univers seulement du
bouvreuil qui vient y baigner en secret, sur le
bord, sa gorge de corail.
Ahasvérus.
Ne crains-tu pas au contraire que tes vagues,
l’une après l’autre, ne tarissent dans ton lit,
comme les âmes des peuples ont tari dans leur
sein ?
L’Océan.
Depuis longtemps, vraiment, les fleuves ne
descendent plus jusqu’à ma vallée ; ils
s’endorment dans leurs lacs, sans plus songer
à leur ouvrage. J’ai beau grossir ma voix ;
ils s’amusent en chemin sur leurs sables d’or.
Sans doute, ils se sont égarés dans quelque
bois touffu, depuis que le guide qui leur
montrait chaque jour le chemin ne monte plus
avec sa torche l’escalier du phare allumé sur
mon promontoire.
Ahasvérus.
à présent que tes môles sont détruits, que tes
ports sont comblés, où vas-tu aborder ?
L’Océan.
Au néant.
Rachel, à l’océan'