Les quatre évangélistes au haut du ciel. A leurs pieds, le lion de saint Marc et l’aigle de saint Jean.
Saint Marc.
Si j’étais à cette heure sur le lac de Nazareth,
mes deux rames attachées à ma barque ne me
sauveraient pas. Voyez ! Aux quatre vents,
quelle tempête s’amasse sur le lac du genre
humain ! N’est-ce pas la création sans foi
qui se détache brin à brin des mains du créateur,
et tombe dans l’abîme, comme le chapelet d’un
prêtre d’Arménie tombe à ses pieds, grains
à grains, sur le seuil de l’église, quand
l’agrafe et le nœud de cuivre sont rompus ?
La pluie arrive jusqu’à nous ; elle ternit
nos auréoles. Le vent s’engouffre dans ma
niche ; et la brume du néant a mouillé cette nuit
les vitraux de ma fenêtre. Depuis plus de mille
ans, j’ai lu, sans lever les yeux, mon livre
d’or jusqu’au bout. Puisqu’il est fini et que
son agrafe est close, prends-le dans ta griffe,
mon lion ; garde-le sous mes pieds, sans
en user les bords, pour que je puisse regarder
là-bas, sous ces nuages, où passe Ahasvérus.
Le Lion.
Grand saint, je vous en prie, laissez-moi
retourner dans mon pays de Nubie. Mes griffes
sont fatiguées de porter votre livre et de
frapper l’air du plat de votre glaive. Les
siècles ont rongé ma crinière. Que m’a servi,
dites-moi, de tenir jour et nuit sur ma tête,
hiver, été, vos écussons de bronze, votre
bible de pierre, vos trophées de victoire,
vos foudres, vos nuages et ce globe du monde
que les empereurs m’ont donné ? Si j’eusse
seulement, au lieu de vos