sur un nuage. Mais notre cœur hors d’haleine n’a
plus pour s’appuyer ni nuage ni tige.
Maints soupirs, que personne n’a entendus, ont
consumé notre souffle sur nos lèvres ; un mal de
chaque jour, sans nom, sans cicatrice, a usé
comme une lime l’espérance dans notre sein.
J’aimerais mieux compter les cheveux de ma tête
que les larmes invisibles qui ont coulé dans
mon âme. Sans me plaindre, dans ma maison, j’ai
fait mon ouvrage, j’ai filé mon rouet, j’ai
soufflé dans mes cendres ; mes cendres sont
éteintes. Trop de pleurs y sont tombés l’un
sur l’autre ; et le fuseau, où mes désirs
murmurants roulaient et déroulaient leur lin
à la veillée, s’est brisé entre mes doigts.
Mater Dolorosa.
Pitié ! Pitié ! miserere !
Chœur des Femmes.
Je n’étais rien que soupir et que rêve. Avant que
mon cœur fût rempli, tous mes jours ont coulé !
Ma vie s’est usée entre mes doigts ; et mon âme
est restée au milieu de sa tâche d’amour, comme
un ouvrage, qu’on laisse à peine commencé,
retombe sur vos genoux, quand l’aiguille et le
fil sont rompus. Je voudrais une autre vie, et
la donner dès demain à celui qui m’a rendu
pour la première tout un regard.
Oui, tout un regard ! Rien qu’un regard ! Et point
de ciel, s’il le faut, point d’étoiles ! Point
de Dieu ! Point de Christ ! Rien qu’un soupir,
rien qu’une haleine, rien qu’une fleur qu’il a
touchée. Et puis après l’abîme, la nuit sans
lendemain, sur ma tête le vide, sous mes pas le
néant.
Le Père éternel.