Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/373

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en passant : lève-toi, sors de ta tente : voici mon maître qui me suit.



A ma gauche, j’entends bourdonner d’autres peuples. Leurs rois n’ont plus ni sceptres, ni noms, ni couronnes ; on ne les reconnaît qu’au bandeau que j’ai attaché sur leurs yeux. Point de cœur ne bat dans leur poitrine ; ils s’en vont pieds nus, devant la foule, comme une femme qu’on lapide.



Mob.

Ce sont vos peuples de France, d’Allemagne, d’Angleterre. Je les ai si bien blessés à l’âme, qu’ils ne vous reconnaissent pas, et qu’ils passent sans vous voir. écoutez leurs chansons.



Chœur des Saints.

Ne les écoutez pas. Leurs chants sont enivrés, vos yeux en pleureraient de dures larmes de géant. Sur votre barbe de mille ans, seigneur, ce pleur éternel coulerait ; et demain, et toujours, il ferait une mer, oui, une mer sans fond, où se noierait toute nacelle, avec son mât, avec sa voile gonflée d’amour, avec son ancre d’espérance.

Fermez, fermez votre grande paupière pour ne plus voir l’univers passer tout debout sur vos dalles, sans plier le genou. Comme l’oiselet qui, trop matin dans son nid, s’est réveillé, et, sans rien dire, à demi emplumé, a quitté l’aile de son père ou de sa mère, qu’il aille, lui, pour sa faute, se prendre dans la maille de votre oiseleur, et nicher dans le néant. Plus douces, sans lui, nos voix chanteront ; n’écoutez que nos chœurs.



Le Père éternel.

Rien ne me fait pleurer ; et il me faut tout connaître.



Peuples Modernes.

"