Non ; c’était l’heure. Sur le Golgotha du ciel,
recommence ta passion. Dans le champ du potier
où je fais sécher l’argile de mes vases,
ressème-toi une seconde fois dans le tombeau,
comme un épi que toi-même tu moissonneras. Le
firmament, désormais, sera ta croix ; les
étoiles d’or seront tes clous à tes pieds ;
maints nuages, qui passeront, te donneront
leur absinthe. Les temps sont épuisés.
Redescends dans la mort, comme un hôte dans
son caveau, pour en rapporter la vie ; et va
chercher encore un peu de ta poussière dans
ton nouveau sépulcre, pour pétrir un nouveau
monde, un nouveau ciel et un nouvel Adam.
Autour de ton sépulcre, taillé dans le roc,
gisent là, sur leurs coudes, les peuples
endormis, comme tes gardes sur ton Calvaire,
dans la nuit de ta passion. L’un a délacé son
haubert, l’autre sa cuirasse, l’autre sa cotte
de maille luisante ; et le glaive de leur foi,
qui pend sur leur cuisse, leur est tombé,
à tous, des mains. Rien ne visite plus ta cime
que l’aigle affamé qui cherche sur ta croix
sa curée et sa pâture de Dieu. Tout dort.
Soulève donc ta pierre trop pesante ; ressuscite
une seconde fois. Grandi par la mort, de plus
de vingt coudées, viens marcher côte à côte,
céleste revenant, avec l’univers, ton disciple
égaré, qui s’en va dans son chemin d’Emmaüs,
sans te reconnaître ; romps avec lui, sur sa
table, un second pain d’un blé plus doré. Avec
ta plaie plus profonde à ton côté, les pieds
dans l’enfer et la tête au firmament, reparais,
ah ! Reparais sous mon toit dans l’assemblée des
mondes, un doigt sur ta bouche, comme tu fis à
l’assemblée de tes apôtres, dans la maison de
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