Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/114

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pauvre ? Est-ce à un tisserand sans ouvrage, à un fileur de lin sans quenouille, ou à un faiseur d’escabeaux ? Pour gagner sa vie, son tisserand a tissé sur son métier le pan de toile du firmament ; son fileur a filé à son fuseau les rayons du soleil ; son faiseur d’escabeaux a taillé sous son auvent le Golgotha. Ne pleurez pas, Dieu de la terre ; le faucon s’en va, sur sa cime la plus haute, vous chercher à boire de l’eau de source dans son bec ; l’abeille est allée jusqu’au ciel, dans sa ruche, prendre son miel d’or pour votre repas ; et le lion de Judée, en courant, se fouette de sa queue pour vous apporter plus vite dans sa griffe des figues toutes bénies.


Un devin, que j’ai trouvé, m’a raconté votre bonne aventure, et une devineresse toute petite a lu votre sort sur votre main. Quand vous serez grand, les fils de princes vous diront : changeons de manteau ; les fils de rois : changeons de couronne ; le romarin, quand il naîtra, vous dira : donnez moi la senteur de vos cheveux ; le cygne, quand il éclora : changeons de duvet ; et l’étoile, quand elle poindra : changeons d’auréole.

Ne pleurez pas, Dieu de la terre, je vous ai fait une robe, une robe d’écarlate. Le firmament vous a filé depuis longtemps une ceinture toute d’azur, et le désert vous a cousu, sans salaire, une tunique toute blanche.



La Vierge Marie.

Ange Rachel, ne voyez-vous point venir son père ? Est-il vrai qu’il m’abandonne pour une vierge mieux parée dans une étoile de printemps ? Dès demain, je veux aller, pour le chercher, m’asseoir, avec mon voile, sur le banc des barques des pêcheurs, à la proue ciselée des