Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/285

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pour voir ce qui y manque. Et si, un soir, par aventure, le vent de mars, ou la grêle, ou la pluie, ou la neige, ou un soldat qui passe, ou quelque esprit ressuscité de son tombeau, y brise une tuile, ternit un vitrail, effeuille une rosace, il descend de sa place pour refaire, avec sa truelle de pierre, la colonnette qui croule ou la fenêtre qui chancelle.

Et toi, poëte, déjà ton toit croule, ta colonnette branle, ta porte avec ses gonds sont usés ; et nulle part je ne te trouve sous les arceaux rompus de ta parole. Plus d’un pas manque encore à ton œuvre ; déjà les boucs en passant rongent les piliers de ta prose d’argile. Sur mes lèvres ta voix est tarie ; sur ma rive j’ai dépensé le dernier flot qui est sorti de ta source. J’ai répété le dernier mot que tu m’avais appris. Bouche close, avant une heure, si tu ne viens pas, il faut qu’avec les ronces je me retire de ta ruine résonnante. Dans son chaos, tout est mêlé. Le cèdre y pousse sans se courber. Et toi, brin d’herbe, où es-tu donc ?



Le Poète.

Me voici.



Le Chœur.

De quel côté ?



Le Poète.

De la nef de Brou, où Marguerite de Savoie dort dans son lit de noce sur son chevet de pierre fine, sans plus jamais tourner la tête vers l’époux couché à son côté, un chemin conduit à la forêt. Dans la forêt (si tu y entres), les couleuvres de mes broussailles iront jusqu’au carrefour à ta rencontre. Les hérons t’attendront sur la margelle des étangs.

Mes cavales sauvages soulèveront des marais leurs tresses ruisselantes pour regarder qui passe, et les