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HAR

trois ans après, lorsqu’il mourut, le collier était encore suspendu à l’arbre d’où on le retira pour le mettre dans son cercueil. On a conclu de ces divers traits et de la ressemblance qu’il y a entre l’exclamation ha ! Rol et haro que ce dernier mot, ainsi que l’usage de faire arrêt sur quelqu’un ou sur quelque chose était un reste d’invocation à Rol ou Rollon. Cependant l’usage et le mot existaient avant le prince normand ; ce qui a fait croire à quelques auteurs qu’il fallait les rapporter à Harold, prince danois, qui était grand conservateur de la justice à Mayence, en 815 ; mais c’est encore une erreur. Haro est un dérivé du verbe celtique haren (crier, appeler en aide), et il est le même que son homonyme harau qui signifie secours. On trouve dans le Vieux Testament en vers : harau, harau, je me repens.

Quant à l’usage de faire arrêt pour procéder ensuite en justice, il était connu des Romains qui le nommaient quiritatio quiritum. Lorsqu’ils étaient injustement opprimés, du temps de la république, ils invoquaient par une plainte publique l’assistance des citoyens ; et du temps de l’empire, ils s’écriaient : O César ! ce dernier cri était si respecté qu’après qu’il avait été proféré, on cessait toute poursuite pour recourir à la décision de l’empereur, même quand il s’agissait d’un criminel que l’on conduisait au supplice. Nous voyons, dans le iiie livre du roman d’Apulée, que l’âne d’or, en traversant un village, s’efforça de faire entendre ce cri pour être délivré des voleurs qui l’emmenaient. Il prononça assez distinctement ô à plusieurs reprises, mais il ne put venir à bout de dire César.

La clameur de haro fut si révérée en Normandie, que lorsqu’on allait enterrer Guillaume-le-Conquérant dans l’église de Saint-Étienne de Caen, qu’il avait fait bâtir, un bourgeois de la ville nommé Ascelin, fit suspendre les funérailles par cette clameur. Il disait que l’emplacement de cette église avait été usurpé sur le champ de son père Arthur par le prince, et il s’opposait à ce que l’usurpateur y fût inhumé. On vérifia le fait à l’instant, et on donna soixante sols à Ascelin pour la place de la sépulture, avec promesse de lui payer dans quelque temps le reste de sa terre.