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MOR

Rien n’est plus certain que la mort, rien n’est plus incertain que l’heure de la mort.

Notre dernière heure à tous nous est inconnue, mais elle arrive inévitablement pour les jeunes comme pour les vieux, et Dieu n’accorde à personne un tour de cadran comme à Ézéchias.

Un homme mort n’a ni parents ni amis.

Ce proverbe se trouve dans le sirvente que Richard Ier, roi d’Angleterre, composa pendant sa captivité en Autriche. La meilleure explication qu’on en puisse donner est dans le passage suivant du discours du père Aubry à Atala : « Que parlé-je de la puissance des amitiés de la terre ! Voulez-vous, ma chère fille, en connaître l’étendue ? Si un homme revenait à la lumière, quelques années après sa mort, je doute qu’il fût revu avec joie par ceux-là même qui ont donné le plus de larmes à sa mémoire, tant on forme vite d’autres liaisons, tant on prend facilement d’autres habitudes, tant l’inconstance est naturelle à l’homme, tant notre vie est peu de chose, même dans le cœur de nos amis ! »

Les vers suivants, extraits d’une pièce de M. Victor Hugo, À un voyageur, reviennent aussi au proverbe, et sont dignes de figurer à côté du beau passage que j’ai rapporté.

Combien vivent joyeux qui devraient, sœurs ou frères,
Faire un pleur éternel de quelques ombres chères !
Pouvoir des ans vainqueurs !
Les morts durent bien peu ; laissons-les sous la pierre.
Hélas ! dans le cercueil ils tombent en poussière
Moins vite qu’en nos cœurs.
Voyageur ! voyageur ! quelle est notre folie ?
Qui sait combien de morts à chaque heure on oublie,
Des plus chers, des plus beaux !
Qui peut savoir combien toute douleur s’émousse,
Et combien, sur la terre, un jour d’herbe qui pousse
Efface de tombeaux !

Les morts ont tort.

Pour dire que, lorsqu’un homme est mort, on rejette sur lui la faute de beaucoup de choses ; qu’on excuse volontiers les