Page:Quitard - Dictionnaire des proverbes.pdf/655

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
635
ROU

chants si variés, si mélodieux qui embellissaient le printemps, succède une voix rauque, monotone, qui est moins un chant qu’une sorte de croassement ; et c’est parce que la voix du rossignol est ainsi changée en été, qu’on a cru que cet oiseau ne chantait plus, ou que cette voix ne sortait plus du même gosier.

roué. — C’est un roué.

L’usage attache quelquefois à certains mots une nouvelle acception tellement différente de l’acception primitive, qu’il semble qu’il n’y ait entre elles aucun point de connexité, et l’usage est alors accusé d’être inconséquent ; cependant il ne passe point d’une extrémité à l’autre sans y être amené par des analogies réelles, et la mutation de sens qu’il opère dans un vocable, quelque brusque et quelque bizarre qu’elle paraisse, n’a pas lieu sans préparation et sans régularité. C’est une vérité reconnue en linguistique ; mais il se trouve plus d’un cas où il n’est pas facile de la mettre en évidence, et les étymologistes, avec leurs conjectures multipliées, ne font trop souvent qu’ajouter à la difficulté. Ces messieurs, habitués à voir tant de choses dans l’assemblage de quatre ou cinq lettres, n’y voient pas d’ordinaire la seule chose qu’il importe de découvrir ; ils ressemblent assez bien à ce personnage de la Gageure imprévue, qui veut nommer toutes les pièces de la serrure, et n’oublie que la clef. La clef, voilà justement ce qui leur a manqué, lorsqu’ils ont voulu nous montrer l’origine du nom de roué, employé comme synonyme d’homme sans principes et sans mœurs, qui donne à ses vices des dehors brillants. Ils se sont bien accordés à nous dire ce que l’histoire nous apprend, qu’il fut introduit à l’époque de la régence, où il servit spécialement à désigner les débauchés et les libertins de la cour ; mais ils ont différé d’avis en cherchant à nous expliquer par quelle déduction logique il put être amené à une signification si éloignée de celle qu’il avait eue jusqu’alors. Je vais offrir l’extrait des diverses gloses qu’ils lui ont consacrées, et l’on verra combien ces messieurs ont été habiles à suppléer à la vérité par la variété. Quelques-uns ont décidé, sur la foi d’un passage des Mémoires de Saint-Simon, que ce nom fut imaginé par le régent lui-même,