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est celle des sannions ou bouffons qui jouaient les fables atellanes, ainsi nommées de la ville d’Atella, d’où ils étaient venus, vers les premiers temps de la république, pour ranimer les Romains découragés par une peste affreuse. C’est peut-être en mémoire d’un tel service que ces comédiens ne furent jamais confondus avec les autres ; ils jouissaient de tous les droits des citoyens, et les jeunes patriciens se fesaient un honneur de s’associer à leurs jeux scéniques. Plusieurs écrivains de l’antiquité, qui ont pris soin de nous transmettre quelques-uns de leurs faits et gestes, assurent qu’il n’y avait rien de si divertissant. Cicéron, émerveillé de leur jeu, s’écrie : Quid enim potest tam ridiculum quam sannio esse, qui ore, vultu, imitandis moribus, voce, denique corpore ridetur ipso ? (de Oratore, lib. ii, cap. 61 .) Le costume de ces mimes, tout à fait étranger aux habitudes grecques et aux habitudes romaines, se composait d’un pantalon de diverses couleurs, avec une veste à manches, pareillement bigarrée, qu’Apulée, dans son Apologie, désigne par le nom de centunculus, habit de diverses pièces cousues ensemble. Ils avaient la tête rasée, dit Vossius, et le visage barbouillé de noir de fumée : Rasis capitibus et fuligine faciem obducti. Tous ces traits caractéristiques se trouvent retracés dans des portraits empreints sur des vases antiques sortis des fouilles d’Herculanum et de Pompéia ; et l’on peut en conclure que jamais descendant de noble race n’a offert une ressemblance de famille aussi frappante que celle qui existe entre Arlequin et ses aïeux.

Les sannions conservèrent toujours le privilége d’amuser les maîtres du monde, et ce privilége ne fut pas même suspendu par les guerres civiles qui désolèrent Rome, comme s’il eût dû servir de compensation à tant de désastres. Dans la suite, un tyran qui ne voulait laisser aucune consolation à ses sujets, Tibère, entreprit vainement de le faire cesser, en bannissant des acteurs si chéris ; il se vit obligé de les rappeler pour apaiser la multitude prête à se révolter. Les peuples tiennent encore plus à leurs amusements qu’à leurs droits politiques, et il n’y a point de révolution qui puisse les leur enlever entièrement. Les beaux sermons de saint Jérôme, de saint Augustin, de Tertullien, de