Aller au contenu

Page:Réflexions sur la révolution de France.pdf/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est humilié à la vue des dispensations d’une sagesse mystérieuse. Si un tel spectacle m’eût été représenté au théâtre, des larmes auraient coulé de mes yeux ; je serais en vérité bien honteux de découvrir en moi ces émotions superficielles et théâtrales pour des malheurs imaginaires, tandis que je pourrais me réjouir de ceux qui ne sont que trop réels. Si j’avais un esprit aussi pervers, je ne voudrais jamais me risquer à montrer mon visage à aucune tragédie. On pourrait croire que les larmes que Garrick m’a fait verser autrefois, ou que celles que mistress Siddons m’a fait verser depuis, n’étaient que les larmes de l’hypocrisie ; je les croirais les larmes de la folie.

En vérité, le théâtre est une meilleure école de sentimens moraux que les églises où l’on outrage ainsi l’humanité. Les poëtes qui ont affaire à un auditoire qui n’a pas encore reçu ses grades dans l’école des droits de l’homme, et qui sont obligés de se conformer à la constitution morale du cœur, n’oseraient pas produire au théâtre un tel triomphe comme un sujet de ravissement. Dans ces lieux où les hommes suivent leur impulsion naturelle, ils ne supporteraient pas les maximes odieuses d’une politique machiavélique, soit qu’on les appliquât aux entreprises d’une tyrannie monarchique ou démocratique. Ils les rejetteraient sur le théâtre moderne, comme ils le firent jadis sur le théâtre antique, où ils ne purent supporter la proposition, même hypothétique, d’une telle scélératesse, dans la bouche d’un tyran personnifié, quoiqu’elle convint au caractère du rôle. Une assemblée au