Page:Réflexions sur la révolution de France.pdf/332

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tre. C’est un sujet sur lequel j’ai souvent réfléchi, et jamais sans en être vivement ému. Je suis sûr qu’aucune considération ne peut justifier, dans un État bien réglé, de tels commerces et de tels emplois, si ce n’est la nécessité de faire porter le joug du luxe, et d’exercer le despotisme de l’imagination par la distribution impérieuse de tout l’excédant des produits de la terre. Mais quant à tous ces moyens de distribution, il me semble que les paresseuses dépenses des moines sont aussi bien dirigées que les inutiles dépenses de nous autres fainéans laïques.

Lorsqu’il y a égalité dans les avantages entre les possesseurs actuels et les possesseurs projetés, il n’y a pas de motif pour changer ; mais dans le cas actuel, peut-être qu’il n’y a, à cet égard, aucune incertitude, et que les avantages se trouvent du côté de la possession actuelle. Dans le fait, je ne vois pas du tout comment les dépenses de ceux que vous allez expulser seraient, par leur direction et par leur emploi, de nature à les rendre si odieux, si indignes de les posséder, et moins avantageuses à la chose publique que ne le seront celles des nouvelles personnes favorisées que vous allez introduire dans leurs maisons. Par quelle raison, vous on moi, trouverions-nous si intolérable cette dépense d’une grande propriété foncière, qui n’est que la dispersion du surplus du produit du sol, lorsqu’elle est employée à former de vastes bibliothèques, qui sont le dépôt de l’histoire, de la faiblesse et de la force de l’esprit humain ; à composer de grandes collections de livres, de médailles et de monnaies, qui attestent et qui