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SATYRE IV.

Un mesme astre toujom^s n esclaire en ceste terre : Mars tout ardent de feu nous menace de guerre*^, Tout le monde frémit , et ces grands mouvements Couvent en leurs fureurs de piteux changements. Pense-tu que le luth , et la lyre des poètes S’accorde d’harmonie avecques les trompettes , Les fiffres , les tambours , le canon et le fer , Concert extravaguant des musiques d’enfer? Toute chose a son règne , et dans quelques années , D’un autre œil nous verons les fîeres destinées. Les plus gi’ands de ton temps dans le sang aguerris, Comme en Trace*’ seront brutalement nourris , Qui rudes n’aymeront la lyre de la muse , Non plus qu’une viéle , ou qu’une cornemuse. Laisse donc ce mestier, et sage prens le soin De f acquérir un an tjui te serve ^u Lesoin. Je ne sçay , mon amy , par quelle prescience , Il eut de nos destins si claire connoissance ; Mais, pour moy, je sçay bien que, sans en faire cas, Je mesprisois son dire , et ne le croyois pas ; Des Portes huit cents écus d’or pour la petite pièce du Rodo^ ment, et Henri III dix mille écus d’argent comptant pour mettre au jour un très-petit nombre de sonnets. Balzac, dans un de ses Entretiens , dit que l’amiral de Joyeuse donna à Des Portes une abbaye pour un sonnet , et que la peine qu’il prit à faire des vers lui acquit un loisir de dix mille écus de rente. c< Mais, ajoute Balzac, dans cette même cour où l’on exerçoit de ces liberalitez , et où l’on faisoit de ces fortunes , plusieurs poètes étoient morts de faim, sans compter les orateurs et les historiens , dont le destin ne fut pas meilleur. »

  • 6 Les guerres civiles de la Ligue, qui avoient affligé la

France pendant la jeunesse de Régnier. " *^ Mars, le Dieu de la guerre, avoit été élevé dans la Thrace, où il étoit particulièrement adoré. Thrace bello furiosa, dit Horace.